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Expert's corner

Avec « The Experts Corner », MabDesign vous propose une plongée au cœur de l’innovation en biothérapies. À travers des entretiens exclusifs avec des experts du secteur, découvrez leur vision du marché, leurs analyses des défis actuels et leurs perspectives sur les dernières avancées. Des conversations inspirantes pour mieux comprendre le présent et l’avenir de la bioproduction et des biomédicaments.

Les Thérapies Cellulaires

Sophie derenne

Responsable du service analyse et développement de marché à l'EFS

« La thérapie cellulaire, c’est une révolution équivalente à celle des antibiotiques. »

EFS, établissement français du sang

L’Etablissement français du sang, ou EFS, est un établissement public de l’État qui a le monopole sur la collecte des poches de sang suite au don du sang. L’EFS a également plusieurs autres activités autour du développement et de la production de thérapies à base de cellules. En effet, et depuis plusieurs années, il est impliqué dans le domaine de la thérapie cellulaire dite conventionnelle, c’est à dire les greffes de cellules souches hématopoïétiques pour les patients en hématologie. Graduellement, l’EFS a étendu ses activités de bioproduction sur de nouveaux types cellulaires reconnus aujourd’hui comme des médicaments de thérapie innovante (MTI).

Les thérapies cellulaires à l'EFS

  • Depuis quand est-ce que l’EFS travaille sur les thérapies cellulaires ?

L’EFS travaillait déjà sur la cellule comme outil thérapeutique bien avant l’existence du statut de MTI, et ce d’autant plus que l’on a des équipes de recherche (le plus souvent mixtes, Inserm et autres) qui travaillent sur la partie recherche et développement des biothérapies, dont font partie les MTI.

Avec l’évolution de la réglementation, l’EFS s’est tout simplement mis en conformité. L’EFS dispose maintenant de 4 établissements pharmaceutiques à Nantes, Créteil, Besançon et Grenoble. À la suite de l’appel à projet Intégrateur Industriel, la Plateforme d’Innovation de Besançon (PIBT) a été labellisée. L’intégrateur propose aux chercheurs ou biotechs de prendre en charge le ‘beta-testing’ ou la transposition technologique sur la partie bioproduction de leur thérapie cellulaire, avec par exemple, le passage en circuit-clos, le scale-up, etc. Il s’agit ainsi d’assurer la maturation des projets R&D vers les premières étapes des essais cliniques. L’EFS fêtera prochainement ses 25 ans en tant qu’établissement unique.

  • En quoi consiste la Direction biologie thérapie diagnostic ?

Cette direction pilote les activités de thérapie cellulaire et de bioproduction, de laboratoire d’analyses spécialisées, de production de réactifs, ainsi que la mise à disposition des produits, notamment pour l’enseignement et la recherche. C’est cette dernière activité qui va permettre de mettre à disposition des cellules pour les équipes de recherche. 

  • Parlez-nous de vos fonctions au sein de cette direction ?

En tant que responsable du département analyse et développement de marché, mon travail consiste à appréhender les évolutions de notre domaine : Comment et vers où évolue la science ? Quelles sont les nouveaux médicaments qui vont révolutionner, par exemple, la transfusion ou la thérapie cellulaire ? Qui sont les innovateurs dans ce domaine ?

Ceci nous permet de proposer de nouvelles orientations, par exemple dans le domaine des CAR-T cells, biomédicaments qui ont révolutionné les immunothérapies. Je contribue également à la visibilité de nos services. Certes, notre expertise est reconnue par nos clients, mais beaucoup de gens, y compris dans le domaine de la bioproduction, considèrent que l’EFS ne traite que le don du sang. Nous avons une activité très large et il est important de faire connaitre ces différents axes. Le but est de mettre nos structures et notre expertise au service du plus grand nombre de professionnels.

« Beaucoup de gens, y compris dans le domaine de la bioproduction, pensent que l’EFS ne traite que le don du sang. »

Innovations, défis et perspectives des thérapies cellulaires

  • Comment le domaine de la thérapie cellulaire a-t-il évolué lors de votre carrière ?

« Les CAR-T ne sont plus à la mode en 2024, ils ont été remplacés par les ADC »

Cette évolution me parait assez étrange. D’une certaine manière, les choses s’accélèrent. On peut dire que la thérapie cellulaire a commencé avec les cellules souches hématopoïétiques puis mésenchymateuses. A l’époque, il y avait déjà des essais cliniques avec des immunothérapies, notamment du côté de Besançon, mais cela restait plus ou moins confidentiel. Ce sont les CAR-T qui ont véritablement mis en lumière le potentiel des thérapies cellulaires, contribuant à l’engouement pour les traitements à base de cellules génétiquement modifiées et de vecteurs viraux. Aujourd’hui, on a l’impression que cet enthousiasme est en train de retomber, en particulier du côté des investisseurs : Les CAR-T ne sont plus « à la mode » en 2024, remplacés par les ADC. Selon moi, nous sommes dans un cycle qui manque de logique scientifique. Le domaine des CAR-T a bénéficié d’investissements massifs, et probablement excessifs à un certain moment, sans que l’on ait suffisamment de recul. Cependant, comme tout domaine en devenir, la thérapie cellulaire n’en est qu’à ses prémices. Comme je l’ai toujours dit, la thérapie cellulaire est l’équivalent des antibiotiques en termes de révolution, mais cela prend du temps.

  • A ce jour, plus d’une quarantaine de thérapies cellulaires ont été mises sur le marché, dont une dizaine à base de cellules souches mésenchymateuses. Le pipeline des produits en développement est assez conséquent en termes de nombre de candidats : quel est votre avis sur cette dynamique ? 

Concernant les cellules mésenchymateuses, on les manipule depuis plusieurs années. Avec plus de recul, on maitrise maintenant mieux leur développement et leur mise sur le marché. En revanche, pour les nouveaux types de thérapies cellulaires, ce sont des produits plus complexes, mais potentiellement plus efficaces et surtout plus ciblés. Cela signifie que l’on devrait certainement atteindre plus facilement des Phases I/II, mais qu’il faut s’attendre à un gap pour passer sur les phases III, avec de potentiels problèmes de financements.

J’ai également été témoin d’une évolution positive des porteurs de projets en termes de professionnalisation. Il y a 10-15 ans, ils arrivaient avec peu de connaissances de la chaine de valeur du développement d’une thérapie cellulaire. Aujourd’hui à l’inverse, ils maitrisent mieux le domaine, et notamment les prérequis pour passer en clinique. De ce fait, je pense que cela accélèrera l’arrivée de nouvelles thérapies cellulaires qui pourront être approuvées. Bien évidemment, il ne faut pas s’attendre à ce que tous les produits du pipeline arrivent sur le marché en raison des taux d’attritions qui s’appliquent à chaque phase.

  • Quels sont les derniers outils et technologies innovantes dans le secteur ? 

Je mentionnerai ici le CRISPR/Cas9 et les autres types de ciseaux à ADN, des technologies révolutionnaires qui permettent de mieux maitriser les modifications géniques des cibles thérapeutiques. Elles conduiront très certainement à de nouvelles solutions curatives pour des patients en impasse thérapeutique. En parallèle, nous voyons apparaitre des technologies innovantes en termes de production de ces thérapies. Il y a quelques années, il n’existait pas d’automates adaptés pour produire des thérapies cellulaires, en comparaison aux équipements permettant la production d’anticorps par des CHO. Puis sont arrivés les premiers petits automates pour la production de CAR-T autologues :ce modèle de production va très certainement persister, en raison du développement de la médecine personnalisée. Cependant, ce modèle autologue ne sera pas économiquement viable sur du long terme pour soigner un nombre grandissant de patients si le coût ne diminue pas, par exemple grâce à l’optimisation des processus de contrôles qualité (représentant 30-40% du prix). On pourrait également évoluer vers des modèles allogéniques, mais il nous manque encore quelques innovations technologiques pour cela.

« La production de CAR-T autologues ne sera pas viable à grande échelle si on ne réduit pas les coûts » 

  • Les innovations technologiques apportent des solutions pour optimiser le développement des thérapies cellulaires, et également lever des verrous sur toute la chaine de valeur. Selon vous, quels sont les défis principaux à solutionner ?

« La recherche académique française est dotée d’un bel écosystème dans les thérapies cellulaires, mais il est trop peu lié à l’industrie  » 

Chaque étape du développement, de la R&D à la bioproduction, a ses propres verrous. En France, côté R&D, nous sommes suffisamment dotés selon moi avec un bel écosystème d’équipes académiques développant des produits innovants, et un fort soutien financier de l’état. Cependant, l’un des écueils que je vois au niveau national est que cette recherche n’est pas systématiquement liée à l’industrie. On se retrouve dans un modèle où le chercheur doit la plupart du temps passer par une création de start-up pour porter son projet de thérapie cellulaire, avec bien évidemment toutes les difficultés liées à l’entreprenariat. Les contraintes associées, dont l’énorme difficulté pour trouver des financements privés, font que, malheureusement, plusieurs start-ups vont échouer malgré des projets prometteurs et novateurs.

  • En parlant de cet aspect de financement privé, pourquoi cette difficulté des développeurs de thérapies cellulaires à convaincre les investisseurs ?

Il y a tout d’abord une approche éducationnelle nécessaire à avoir auprès des investisseurs, concernant les temps de développement dans le domaine. En effet, plusieurs rapports démontrent que les plateformes telles que Uber par exemple, ont pris une dizaine d’années avant d’être performantes. Il en est de même pour les biomédicaments qui ont besoin d’un temps long avant d’aboutir. Il faut éduquer les investisseurs sur la notion de temps de développement d’une biothérapie, des phases non-cliniques aux essais cliniques, et sur le potentiel de la thérapie cellulaire, sans pour autant les leurrer sur les risques et le taux d’attrition du domaine.

En parlant de risque, il est important de ne pas surréagir à ces risques. Prenons l’exemple des récentes alertes, à juste titre, de la FDA concernant l’apparition de tumeurs secondaires après injection de CAR-T. Ici, il est important de prendre en compte la balance bénéfice/risque pour le patient qui est souvent en impasse thérapeutique, sans oublier que ce type de risque est aussi présent pour d’autres types de traitements en oncologie tels qu’une chimiothérapie conventionnelle.

  • Cette année, MabDesign a lancé la première édition de son congrès annuel sur la thérapie cellulaire et génique, l’ICGT (Innovations for Cell & Gene Therapies) afin de répondre à ce besoin des industriels et des académiques de se rencontrer et de gagner en visibilité. Vous faisiez partie du comité scientifique de cette première édition. Quelle est votre feedback suite au congrès ?

Pour une première édition, c’est une sacrée réussite. Les présentations étaient de très bonne qualité et Il y avait vraiment beaucoup de monde. Clairement, on a presque regretté qu’il ne dure qu’une seule journée, mais franchement, c’était une belle réussite. Vivement la prochaine édition !

Sophie Derenne, interviewée par l'équipe MabDesign - Décembre 2024

Vous souhaitez en savoir plus ?

ICGT, Cell & Gene therapy congress, MabDesign

Ne ratez pas la deuxième édition du congrès  Innovations for Cell and Gene Therapies (ICGT) organisé par MabDesign en collaboration avec la SFTCG, qui aura lieu les 22 et 23 mai 2025 à Paris.

Vous pouvez dès à présent vous inscrire ou nous contacter pour plus d’informations !

MabDesign a acquis et cultive son expertise sur tous les sujets associés aux biomédicaments et à la bioproduction. Notre équipe  est à votre disposition pour vous accompagner dans tout vos projets liés au secteur des biothérapies, et notamment des thérapies cellulaires. N’hésitez pas à explorer notre offre de services, nos formations, et nos évènements si vous souhaitez en savoir plus !